Dans le cadre du projet de loi République Numérique et sur proposition de Delphine Batho, les députés ont voté en commission la création d’un Commissariat à la souveraineté numérique qui aurait la responsabilité de créer un système d’exploitation français.
L’idée part d’une bonne intention : garantir la souveraineté numérique du pays. L’affaire Snowden a révélé les liens étroits entre Microsoft et la NSA américaine : il n’est pas paranoïaque de se méfier de Windows d’autant que son code source est fermé donc potentiellement bourré de portes dérobées.
La proposition de Delphine Batho n’est pas sans poser de problèmes. Quid de la faisabilité d’un tel projet ? Un système d’exploitation moderne représente des centaines de milliers d’heures de travail pour arriver à une version fonctionnelle. Si ce projet aurait l’avantage de créer de l’emploi, il coûterait cher à un état déjà endetté. Une solution européenne serait peut-être plus réaliste mais a-t-elle un avenir ? Le marché des OS est déjà saturé, entre Microsoft, Apple et Linux.
Linux d’ailleurs correspond parfaitement au cahier des charges d’un OS souverain, si par souverain la députée ne sous-entend pas « sous contrôle étatique ». Rappelons une règle d’or de la sécurité : la protection doit être proportionnelle à la menace. L’OS est libre donc auditable par tous. Il est aujourd’hui compatible avec la plupart des matériels et sa réputation d’être peu ergonomique est largement dépassée. La seule chose qui manque au monde Linux est un portage de beaucoup d’applications grand public. Ce portage n’intéresse pas les éditeurs de logiciels à cause de la faible utilisation de Linux. Là où Linux échoue avec ses milliers de contributeurs, un système franco-français ne peut pas réussir.
Pour les utilisateurs les plus exigeants en termes de sécurité, l’ANSSI, véritable chien de garde numérique de l’état français a sorti son propre OS : CLIP.
Cet OS est habilité pour le traitement d’informations classifiées très secret défense, grâce à un système de caissons séparant les applications. Il ne s’agit en revanche pas d’un OS grand public, sa lenteur le lui interdit.
Peut-être que si les élus français n’avaient pas pris l’habitude de balayer d’un revers de main les recommandations de l’ANSSI, qui conseille Linux, ainsi que moult autres solutions de sécurisation grand public, ils ne seraient pas passés pour des ânes une fois encore. Cette proposition d’OS souverain n’est pas pertinente : la sécurité numérique du grand public comme celle des plus hautes sphères de l’état peut se satisfaire des solutions existantes.
Inciter les éditeurs français à porter leurs applications sous Linux et promouvoir ces OS auprès des français aurait été une stratégie bien plus réaliste.
Enzo Sandré