Costume-cravate, honnêteté, politesse : il devient compliqué de reconnaître nos chers taxis parisiens ! Quel dommage qu’il faille une agressive entreprise étrangère pour que la profession se remette en cause. Que de temps perdu, d’argent gâché et de drames pour arriver à un résultat qui n’est somme toute que le simple bien commun.
Avant la crise, personne n’a voulu voir le problème, pendant la crise, personne n’a voulu le traiter efficacement, après la crise, personne n’a eu la folle idée de se remettre en question. Ni l’état ventripotent, ni les entreprises mues par le profit, ni les fédérations oligarchiques, ni les syndicats borgnes n’avaient les cartes pour agir. Chacun a ses intérêts propres, s’affrontant par-ci, se recoupant par-là, mais aucune n’a l’intérêt de la branche pour boussole.
L’intérêt de la branche est l’intérêt commun des acteurs physiques de cette branche, sur le long terme. Ils ne sont pas défendus et ce manque est une des faiblesses de notre économie. Désunis, les français sont à la merci de l’étranger, l’affaire Uber le montre. La défense économique d’une branche requiert d’abord l’union interne.
L’union interne requiert de rassembler autour d’une tables toutes les personnes physiques d’une branche : ce que l’on nommait jadis une corporation.
Il ne s’agit pas de ressusciter les institutions aujourd’hui dépassées du XVIIIème siècle. Il s’agit d’en reprendre l’essence afin de créer des corps intermédiaires adaptés au XXIème siècle. Aucun autre type de corps ne peut défendre le métier aussi bien que la corporation. Aucun autre type de corps n’est légitime pour juger les professionnels peu consciencieux. Aucun autre type de corps n’est compétent pour règlementer le métier.
L’état est bien trop éloigné des considérations des métiers pour être légitime à les gouverner. Il ne doit pas se disperser s’il veut exceller dans le régalien, qui n’est pas contingent. Or l’état français fait tout l’inverse : il s’immisce pour des raisons électoralistes dans les affaires courantes des branches professionnelles au détriment du régalien. La loi devient une rustine sur un pneu déjà trop chargé.
Les entreprises n’ont en aucun cas l’intérêt de la branche pour boussole. Leur but est le profit, qui parfois passe par des licenciements ou par une guerre avec la concurrence nuisible au métier. La règlementation du lobbying fait entendre la voix du plus riche, au détriment de la majorité silencieuse.
Les syndicats sont chargés de défendre le patronat ou le salariat, dont les intérêts sont parfois contraires à l’intérêt commun des deux. La négociation entre syndicats patronaux et salariaux prend une forme de bras de fer, faute d’arbitre.
Chacun de ses corps existe et a son utilité, mais il manque un corps rassemblant les professionnels eux-mêmes, dans leur diversité et leur unité. Il manque un corps qui mette autour d’une table à égalité les employeurs, les employés, les indépendants et toute personne exerçant effectivement un métier. Or depuis la Révolution Française, de tels corps sont interdits par des lois liberticides, au motif qu’ils entravent la libre-concurrence. Le droit de mal travailler, au détriment du client est une réalité. Le droit des gens de métier à se gouverner eux-mêmes est sacrifié sur l’autel d’une idéologie du marché et de la libre-concurrence fantasmagorique.
Les gens de métier ont le droit de se gouverner eux-mêmes. Malgré la loi, vive le pays réel, vive les ordres professionnels et vive les corporations !
Enzo Sandré